Le savon selon Blue
Voilà, ça fait 2 ans que je m'y prépare...si si, DEUX ans !
D'abord
le temps de me documenter, de lire et de lire encore, de trouver la
soude aussi (pas trouvée dans les magasins de bricolage du coin
!!!)...puis ma maladie m'est tombée dessus et j'ai été incapable de me
lancer là dedans puis ensuite très craintive de manipuler la soude avec
des mains pas à 100%...alors j'ai encore lu, livres, sites, forums...
Le
week-end dernier, j'ai observé une démonstration chez Hooly, c'est
Missand des Flâneries qui faisait l'élève, moi j'ai préféré regarder et
poser les dernières questions qui me restaient.
J'ai pu constater
que je devais en être capable, à condition de bien prendre toutes les
précautions qui s'imposent, encore plus dans mon cas.
Et hier, je suis passée à l'action...
Je
ne vais pas me contenter de vous montrer une photo de mes bébés savons,
non, non, vous n'allez pas vous en tirez à si bon compte...D'abord un
peu de théorie (mieux vaut une fois de plus) et ensuite un peu de
philosophie...enfin, ma philosophie perso du truc...
Le savon, qu'est ce que c'est ?
Le savon est le produit de la réaction de saponification qui se résume, pour les non-chimistes, comme suit :
Gras + soude = savon + glycérine (la glycérine est en général récupérée par les industriels pour d'autres usages comme...enrichir des savons ;-) )
NB : la soude est utilisée pour des savons solides, la potasse pour des savons liquides
La soude
La
soude est de la soude caustique NaOH à ne pas confondre avec les
cristaux de soude qu'on utilise pour la lessive et certaines tâches
ménagères, qui sont en réalité des cristaux de carbonate de soude Na2CO3. Voir articles sur la soude et sur le carbonate de soude sur Wikipédia.
En
France elle se trouve dans les magasins de bricolage (attention, ils
peuvent aussi vendre des cristaux=carbonate), bien acheter de la soude
pure, et non un décapant ou un déboucheur qui en contient, seule la
soude pure convient à la fabrication de savon.
Préférez la version
pure en petites billes à une lessive de soude, version liquide diluée
dans l'eau, qui vous exposerait à de savants calculs afin de retomber
sur vos pieds pour obtenir la quantité requise, calculs source
d'erreurs pouvant avoir des conséquences dramatiques.
En effet,
quand on dit "soude caustique", le mot caustique n'est pas là pour
faire joli, ce n'est pas une vue de l'esprit, si la soude venait à
cotoyer votre peau, elle l'attaquerait aussitôt sans demander
préalablement la permission et causerait brûlures et plaies profondes. Pour la même raison, il convient d'employer uniquement des usensiles en verre, en acier inox ou en plastique, plastique et verre devant en plus résister à la chaleur.
La
fabrication de savon demande donc une grande prudence, une tenue
protégeant bien la peau (pensez à vos pieds), des gants (idéalement
superposer gants minces en latex et gros gants de ménage) et un masque
ou des lunettes de protection. La dilution de la soude provoquant des
vapeurs toxiques, vous pouvez ajouter un masque genre masque à
poussière. Il vous faut travailler dans un local aéré, et procéder à
la dilution de la soude devant une fenêtre ouverte.
J'ai dû faire le tour de la question sur la soude, voyons maintenant le choix du gras.
L'huile
Le gras peut être du gras animal ou du gras végétal, les savons du
commerce affichent rarement leur composition en gros, "tallowate" dans
la composition INCI, c'est du suif...outre l'aspect éthique pour celles
qui ne veulent pas tuer d'animaux, il est clair que ce suif n'est pas
de provenance d'animaux élevés biologiquement, de filières propres, et
qu'on ne sait pas par où il est passé avant d'arriver chez le savonnier.
Vous noterez aussi dans la composition INCI de la majorité des savons,
outre les différents gras (tallowate, olae europae pour l'olive, cocos
nucifera, etc.) et la soude (sodium hydroxyde) des additifs divers et
variés tous plus nocifs pour notre peau et l'environnement les uns que
les autres...c'est le cas de l'EDTA, ou editronic acid, voir ICI les joyeusetés ce ce toxique.
Personnellement,
j'ai fait le choix de gras d'origine 100% végétale (voir ci-dessus) y
compris dans le but de fabriquer du savon à lessive, nos ancêtres
utilisant depuis longtemps du vrai savon de Marseile, soit du savon
fabriqué à partir d'huile d'olive, plus éventuellement de l'huile de
palme et/ou de coco.
Je reviendrais dans un autre article sur l'usage de l'huile de palme qui n'est pas le sujet d'aujourd'hui...
L'huile
qui participe au processus de saponification est en contact avec la
soude et va donc être irrémédiablement dégradée par celle-ci, donc quel
intérêt me direz vous de prendre une huile chère de qualité puisque ses
propriétés sont perdues ?
Pourtant, j'ai décidé dans la mesure du
possible (et de la compatibilité avec mon porte-monnaie) d'utiliser des
huiles bio ou les plus brutes possible. Pourquoi ?
D'abord pour
éviter la présence dans mon savon de résidus de pesticides, engrais,
produits de raffinage et autres cochoncetés...et d'autre part pour ne
pas, autant que faire se peut, favoriser les filières agro-alimentaires
non éthiques.
Le surgraissage
Si vous mettez en contact avec la soude, la stricte quantité de gras nécessaire à la saponification, une fois la réaction terminée, vous aurez uniquement du savon (et la glycérine qui va avec)...Vous avez certainement entendu parler des savons surgras...Faire votre savon maison, c'est aussi vous donnez la possibilité de le surgraisser en introduisant plus de gras que nécessaire à la réaction de saponification, on aura alors :
gras + soude = savon + glycérine + surgras
Mais
me direz vous comment calculer toutes les quantités nécessaires ?
Il
existe sur le net un excellent outil fiable et pratique d'emploi avec
un seul "défaut", il est anglophone...mais même en anglais, il reste
facile à utiliser...c'est le calculateur (cliquer sur Lye calculator)
proposé par le site de Majestic Mountain Sage
Comment calculer les proportions d'huiles (ou beurres), de soude et d'eau ?
C'est tout simple...il suffit
d'indiquer, après avoir choisi son unité de mesure, dans le calculateur
la quantité d'huiles et beurres, en saisissant le chiffre dans les cases
correspondant à chaque nature d'huile.
Vous obtiendrez alors une
fourchette pour votre quantité d'eau à utiliser et la quantité de soude
en fonction du surgraissage souhaité exprimé en pourcentage.
Oui mais...Si vous mélangez toutes vos
huiles et que vous utilisez le mélange ainsi réalisé pour mélanger à la
soude, vous aurez certes un savon sugraissé au pourcentage choisi, oui
mais sugraissé à quelle huile ?
Ca ne me plaisait pas que, si
j'ajoute une bonne petite huile bien précieuse, la soude l'utilise pour
faire les molécules de savon et me laisse en surgraissage l'huile
d'olive ou de coco de base...Groumph !
J'ai donc choisi de procéder autrement !
Je
calcule la quantité de soude à utiliser pour un savon sans surgraissage
(le chiffre en face de 0% dans le calculateur), puis je calcule moi
même mon poids d'huile de sugraissage en fonction du poids total de mes
huiles. Ce qui me permet d'ajouter mon huile de sugraissage "à la
trace" (expression d'initiés qui sera expliquée ci-dessous), étape du
processus de fabrication au moment duquel 95 % de la saponification est
réalisée ! Ainsi la majorité de mon huile choisie pour le surgraissage
restera bien non saponifiée.
La quantité d'eau à utiliser est donnée sous forme d'une fourchette...Si on utilise la quantité d'eau maximum proposée, forcément le savon sera plus long à sécher, toutefois, je suppose que cette quantité utilisée influe sur la rapidité de réactio de saponification, et que si on met peu d'eau, cela risque d'être trop rapide, donc on disposera de trop peu de temps pour incorporer les additifs et verser dans les moules avant que le savon ne soit trop épais. Pour le moment j'ai choisi d'utiliser une quantité d'eau, disons...dans la moyenne haute...
Les additifs : l'odeur et la couleur
Lorsqu'on ajoute "l'odeur", à la trace (si si vous alez bientôt savoir ce que c'est, vous les non inités...), il y a encore de la soude disponible dans le mélange...et surtout, le mélange est chaud ! En effet, la dissolution de la soude dans l'eau (et peut-être la réaction de saponification, à vérifier) provoque un dégagement de chaleur ! Envolées donc les belles propriétés des huiles essentielles qu'on choisirait pour parfumer notre savon...mais il reste leur odeur...enfin il reste leur odeur, selon la quantité utilisée (il en faut pas mal...aïe aïe le porte-monnaie) et les huiles essentielles choisies (l'utilisation d'HE d'agrumes s'avère décevante, leur odeur persistant peu...je ne parle pas d'expérience, je n'ai pas encore testé...).
Il est également possible d'utiliser des fragrances vendues exprès pour mais, hélàs, c'est réintroduire dans un savon que je souhaite le plus naturel possible un produit issu de la chimie...
J'ai donc choisi de fabriquer des savons en utilisant soit des huiles essentielles bon marché (lavandin, litsée citronnée, etc.) soit "natures" que je parfumerai ensuite en utilisant la technique de la refonte (voir recette sur le site feminin.ch par exemple)...J'avoue que je craquerai peut être pour des savons ludiques aux senteurs fruitées ou bien pour des fragrances comme celles de certains savons reçus dans le swap du forum des Plaisirs...mais cela restera marginal.
Pour la couleur, c'est pareil, je
préfère utiliser des couleurs naturelles, poudres d'épices, de plantes
tinctoriales, argiles...Pareil, je craquerai peut être par exception
sur certains pigments quand je vois le résultat bluffant obtenu par
certaines avec des "micas".
Il faut savoir que la coloration naturelle des savons est, comment dirais je...poétique !
En
effet, le ontact avec la soude provoque assez souvent des effets
saiissants et la coloration habituellement obtenue par ailleurs avec
une teinture qu'on croit maîtriser ne sera pas forcément celle
obtenue...Donc place à l'expérimentation...
Vous pourrez
également libérer votre créativité dans l'usage d'additifs variés,
graines et fleurs séchées, épices et inclusions...ainsi que dans le
choix des moules. Mais pensez bien à ce que les matières utilisées ne
se déforment pas à la chaleur, supportent les éventuels résidus de
soude au moment du moulage et à ce que vos moules soient étanches...et
permettent le démoulage...Ben oui c'est évident, mais c'est mieux de le
dire...
Le déroulement des opérations
Je ne vais pas vous refaire ce qui a été si bien fait par d'autres...
Alors je vous renvoie à l'hoolistique blog-notes...
Pour d'autres images vous purrez aussi visiter le pas à pas de Thomaëlle ...
Juste l'explication de la fameuse trace ! C'est le moment où la pâte de savon prend forme, lorsque le mélange soude-huile se transforme en savon, il épaissit...
Pour voir si le mélange atteint la tace, j'ai lu deux vrsions :
- Il se forme une trace qui reste lorsque qu'on "fait un trait" à la surface du mélange
- Si on laise tomber un peu du mélange sur la surface il ne coule pas et forme une trace.
Dans la pratique, c'est un peu pareil...
Après mon premier essai, je me permets d'insister sur quelques points :
- Bien se protéger
- Bien préparer et peser tous les ingrédients à l'avance, prêts à être utilisés
-
Effectuer la phase de dissolution de la soude dans un endroit
extrêmement ventilé, si possible effectuer tout le processus dans un
endroit aéré. J'ai la chance d'avoir pu travailler totalement sur ma
terrasse couverte...
- Bien verser les perles de soude dans l'eau et non le contraire
-
Avoir à portée de main une cuvette d'eau froide pour abaisser la
température des huiles ou de la soude si nécessaire et un bain-marie
qui reste chaud pour réchauffer les huiles si nécessaire
- Avoir à portée de main une réserve d'eau vinaigrée pour neutraliser la soude en cas d'incident
En
ce qui concerne les températures, ayant eu cette superbe démo par
Hooly, j'ai choisi de retenir la température qu'elle pratique à savoir,
46 à 48 °C pour les huiles et la solution de soude avec donc maximum
2°C d'écart entre les deux. Toutefois, j'ai entrevu quelques
indications donnant des températures différentes selon le type d'huile
utilisé...ce qui ne semble pas illogique car cela doit influencer la
réaction de saponification...Pour le moment, j'en reste à ces
températures...
Dernière question métaphysique...Depuis des lustres, que dis je des siècles, non des millénaires, on fait curer le savon, à savoir qu'on le laisse reposer un certain temps après sa fabrication. A mon sens, le but est non seulement d'avoir la certitude que la réaction de saponification soit totale et que le savon ne soit plus caustique (nos ancêtres ne disposaient pas de papier PHmètre), mais aussi de faire sécher le savon afin qu'il durcisse et ne s'use ensuite pas trop vite. Alors, même si il est possible d'utiliser le savon rapidement après sa fabrication selon des savonnières expérimentées, je choisi de le laisser se reposer, quelques semaines (on verra de combien sera ma patience... ;) )
Voilà, je suis arrivée au bout de mon blabla et je
peux maintenant passer à ce qu'attendent les curieuses déjà
savonnières...Mais comment donc sont les savons de Blue ???
Alors, j'ai choisi pour commencer du basique :
400 g d'huile de coco (j'ai utilisé celle de Velan, à défaut de trouver facilement et à un prix abordable une huile bio
200 g d'huile d'olive bio
Une
certaine quantité de soude que je vous laisse déterminer par le
calculateur (et oui, il faut prendre de bonnes habitudes, on ne fait
jamais confiance à une recette pour la quantité de soude, on recalcule
toujours...moi j'ai eu une surprise agréable pour le pesage en
arrondissant au gramme inférieur ;-) )
200 ml d'eau
A la trace j'ai ajouté :
50g d'huile de macadamia bio, 8 ml d'huile essentielle de lavandin (j'y
suis peut être allée un peu fort mais je voulais que l'odeur tienne et
comme c'est l'HE que j'utilise pour ma lessive, je l'achète en quantité
plus importante donc moins cher)
J'ai utilisé une plaque de moule silicone en forme de demi-sphères, un régal à démouler...
J'ai
coulé le reste dans une boîte à pringles. Inconvénient : ma boîte
n'étant pas pleine, je n'ai pas pu recouvrir la surface et le séchage a
provoqué une étoile toute fendillée. J'ai trouvé le démoulage très dur,
la boîte difficile à déchirer, le fond ne se décollait pas, une
pellicule de plastique restait collée sur le savon...bref, je n'ai pas
envie de renouveler cette expérince, cela m'évitera en plus de
grignotter non bio...
J'ai gardé les rognures je vais les collectionner pour faire de la refonte ou du savon à lessive.
Pour les courageuses (x?) qui sont allées au bout...Tadam ! Les voilà !!!
Cliparts en provenance du site Clip-art.fr
Illustration de laboratoire en provenance de ce site
Image d'huile en provenance du site Vegetalcar
Molécule de soude et autres modèles moléculaires ICI